Interview de Christophe Cheroret


Le parcours de Christophe Cheroret est atypique, passé par l'Université de Nebraska Wesleyan, ce normand formé aux Conquérants joue actuellement dans une ligue semi pro toujours dans le Nebraska. Alors qui sera de retour sur les terrains français cet automne il est revenu avec nous sur ce parcours:

- Comment tu t'es retrouvé à Nebraska Wesleyan University? Quel a été ton parcours jusqu'à lors?

- Oula, c'est un longue histoire!
J'ai postulé pour partir aux USA quand j'étais étudiant en deuxième année de Licence de Langue Étrangères Appliquées à l'Université de Caen Basse-Normandie. Pourquoi les USA? D'un point de vue académique, les universités sont de très bonne qualité et une ligne comme ça sur un CV a de la valeur, mais d'un point de vue sportif, pour un joueur de football américain, c'est une toute nouvelle aventure et un nouveau palier à franchir.

Mon parcours jusqu'à lors était plus ou moins normal. J'ai joué de nombreuses années au hockey-sur-glace jusqu'au point où j'ai eu besoin d'une pause. Je ne m'amusais pus autant qu'avant, et je ne voulais pas aller à l'entraînement à reculons. J'ai donc décidé, il y a maintenant 4 ans de cela, de changer d'air. Ayant toujours pratiqué un sport, je ne voyais pas commencer à regarder « Plus belle la vie » dans mon canapé le soir, du coup j'ai commencé à chercher quoi faire de mon temps-libre récemment acquis. Dans les jours qui suivaient, un bon ami à moi m'a rendu visite, il m'avait parlé depuis quelque temps d'une équipe de football américain à Caen mais n'avait jamais eu la motivation d'aller faire un premier entraînement tout seul. Je lui ai dit que ce serait un plaisir pour moi de l'accompagner. Nous sommes allés au premier entraînement en début de saison, et je ne suis finalement jamais reparti, voilà comment tout a commencé...

J'ai commencé à jouer receveur, pour une première saison. Cela m'a permis de me familiariser avec l'équipement, les règles, les coaches, les autres joueurs et le système de jeu. Je ne connaissais rien du tout aux règles, et plus que tout j'avais besoin de répétitions pour gagner de la confiance. Je n'ai pas mis les pieds sur le terrain avant le milieu de saison, et ce n'est pas une mauvaise chose. C'est toujours frustrant pour un joueur de ne pas jouer, mais ce que chacun a tendance à oublier, c'est que ce temps passé à ne pas jouer est aussi du temps passé à observer et apprendre des titulaires qui connaissent le jeu. J'ai eu la chance de pouvoir apprendre d'Emiliano Castillo, notre actuel Head Coach, et cela m'a énormément aidé. Et puis comme le dit l'adage: « tout vient à point à qui sait attendre ». Un jour, j'ai finalement mis les pieds sur le terrain, et j'ai essayé d'arrêter de me poser des questions! Je me souviens encore du jour où Jonathan Boucton ne connaissait pas mon nom et m'a surnommé « Blondin. » C'est resté gravé!

Toute cette petite histoire a duré 2 saisons, avec comme pour chacun, des hauts et des bas. J'ai appris pendant ces 2 premières années comment se jouait le jeu et commencer à avoir mes propres réflexions, mes propres automatismes: Mon propre jeu. Je ne suis pas un athlète né, je ne suis pas ultra-musclé, mais j'ai quelques bons appuis, un petit peu de vitesse et je mets du coeur à l'ouvrage.

Enfin est arrivé cette troisième saison, où j'ai eu l'opportunité de jouer quart-arrière dans un système de jeu qui privilégiait la course. C'était un nouveau pas à franchir, de nouveaux objectifs, une nouvelle dimension. Receveur était une bonne position, mais quart-arrière demande beaucoup plus de choses, à commencer par une attitude. Et de ce point de vue là, c'est pas si évident que ça de mener une équipe au combat. Une équipe de football est composée de plein d'individus différents, et chacun voudrait un leader différent qui saurait trouver les bons mots pour le motiver; malheureusement, il n'est pas possible d'être le meilleur leader pour chacun des joueurs et j'ai eu beaucoup de difficultés à trouver ma place au début. J'ai été épaulé par mes coéquipiers à ce niveau là, qui m'ont aidé à rentrer dans le droit chemin et à faire de mon mieux, et que je tiens à remercier (en particulier Pierre Melgar, Vincent Renoux, Nicolas Marie et Sébastien Vasseur).

Quand nous avons commencé la saison, nous venions alors de monter en troisième division nationale, et l'objectif était de se maintenir. L'équipe était toute jeune mais avait un bon potentiel. Nous avons donc essayé de faire de notre mieux et de ne pas se contenter de juste sauver les meubles, ce que nous avons fait. Nous avons gagné nos rencontres contre Rennes et Angers, et perdu celles contre Le Mans et Nantes qui étaient les 2 favoris de notre poule. Une troisième place donc, et un grand progrès fait par rapport au début de saison. Tout le monde avait enfin trouvé sa place, le collectif tournait correctement, et l'objectif de la saison prochaine trouvé: Un premier tour de playoffs! Après, comme toute saison, des hauts et des bas. Le « Blondin » est devenu « Sunshine », a souffert d'une fracture à la main et d'une luxation de l'épaule, mais a toujours l'envie de poursuivre et de faire encore mieux.

Et puis est arrivé le résultat pour le programme d'échange aux USA, et une réponse positive pour intégrer Nebraska Wesleyan University, une université de troisième division NCAA. J'ai pris mon courage à deux mains et ai envoyé un courrier électronique au coach, en expliquant ma situation. Quelques jours plus tard, j'avais une réponse disant « nous recrutons sur vidéo, tu dois donc nous faire parvenir une vidéo de ce que tu peux faire et nous verrons si on peut te trouver une place au sein du collectif ». Une vidéo... Ah, ben oui, j'vais faire une vidéo comme les américains! (rires)

Après de longues heures passées sur Youtube à regarder les meilleures actions et les vidéos de recrutements des joueurs, j'ai commencé à avoir peur. Vous avez déjà vu les vidéos de recrutement sur Youtube? Ces gens ne sont pas humains!
Enfin bref, me voilà lancé dans ma nouvelle épopée cinématographique, à essayer de retrouver les bandes des matchs de la saison passée, à tout mettre en ordre et à lancer un appel à l'aide à l'équipe. Il me fallait de la matière pour travailler et plus de vidéos, j'avais besoin d'aide pour organiser des ateliers pour montrer « tout » ce que je pouvais faire. Je ne devais rien négliger, c'était ma seule chance. Me voilà lancé avec Thomas Seillier, Morgan Coeuret, Pierre Rauyer et quelques autres (merci encore, je n'aurais pas réussi sans vous) dans une série d'exercices afin de mettre en valeur mon potentiel en tant que quart-arrière, receveur, kicker, returner. Après quelques semaines, une bande de quinze minutes était prête, et est partie outre-Atlantique. Et voilà... plus qu'à attendre.

Le 9 juin 2010, la réponse est arrivée dans ma boîte mail. Le roster de l'équipe était mis en ligne par le coach sur le site de l'université. J'ai été officiellement invité au « training camp » le 12 août 2010! Nebraska, me voilà!

- Comment s'est passée ta carrière universitaire? Que retiens-tu, tant point de vue du football que personnel?

- Je suis arrivé plus tôt que prévu aux USA et ai voyagé un peu avant d'aller au camp. Cela m'a permis de me familiariser avec la culture et avec l'accent... épique!
Arrivé au Nebraska après avoir visité New-York et Cleveland, j'ai tout de suite compris ma douleur. 40° à la sortie de l'avion, et les « two-a-days » qui commençaient 3 jours après! Ça s'annonçait bien...

Et voilà, le premier jour est arrivé, avec les réunions, la remise des équipements et des casiers et le début de l'aventure. 12 heures de football par jour avec un ou deux entraînements, 3 réunions par jours, et des litres de Gatorade à engloutir! Ça n'a pas été simple, et au début, les gens se demandaient ce que je faisais là.
Je ne comprenait pas tout ce qui était dit et je me suis retrouvé d'une place d'athlète correct dans une équipe en France, à celle de lanterne rouge dans une équipe aux USA. Pas agréable du tout. Les joueurs me regardaient, et se demandaient dans combien de temps j'allais quitter le programme et abandonner le football. Mais comme je l'ai dit, je ne suis pas un super athlète mais j'aime ce que je fais alors je me suis accroché, et finalement, j'ai commencé à prendre confiance en moi, les joueurs ont commencé à me respecter et je suis devenu un receveur potentiel. Certainement pas titulaire, mais je n'étais plus la lanterne rouge, et j'étais devenu une cible potentielle pour les quart-arrières. J'ai retenu que c'est finalement quand on a rien à perdre qu'on joue le mieux. J'avais la dalle...

Et me voilà, à attraper mes premières balles, à montrer mes premières bonnes choses, et à gagner mon surnom: « Frenchie ». J'avais le sourire sur le terrain, courbaturé et plein de suer, mais souriant, avec cependant toujours la première appréhension d'un éventuel contact, qui n'a pas tardé à arriver. Lancé sur un tracé court extérieur, j'ai capté la balle un peu avant la ligne de touche mais n'ai pas eu une seule seconde pour me mettre dans le sens du jeu. Le défenseur avait lu le jeu et est venu me détruire dans la demi-seconde qui a suivi, je n'ai eu le temps que de tourner la tête. Le genre de contact qui n'arrive pas tous les jours. Il m'a fait perdre le ballon et tomber 1 yard plus loin que le choc. Je me souviens de ce moment, le moment où tout le monde vous regarde parce que chacun des joueurs sur le terrain a entendu le bruit du casque et a laissé échapper un « Aouch! » par réflexe, et observe attentivement votre prochain action. Je ne suis pas mort, je me suis redressé comme si de rien n'était, et suis retourné au « huddle » avec le sourire.

La saison s'est passé à l'image du camp, dure mais je suis resté. J'ai rencontré des problèmes d'éligibilité qui m'ont éloigné des matchs, mais j'ai continué les entraînements toute la saison d'hiver et celle du printemps, et ai même joué trois matchs de Junior Varsity, dont un contre l'université rivale. Que du bonheur de rentrer sur le terrain, main dans la main, et d'entendre la foule crier! C'est vraiment quelque chose de magique... et je souhaiterais le refaire si possible. J'encourage tout le monde à aller au bout de ce qu'il souhaite, et de ne pas se dire que c'est impossible avant d'avoir essayé.

- Comment t'es-tu retrouvé dans une équipe de ligue mineure? Comment cela fonctionne? Quel est le profil des joueurs, des coachs? Couverture média? Supporters?

- On venait de finir les derniers entraînements avec l'équipe de l'université, et je passais le week-end chez la famille d'un joueur dans une petite ville de quelques centaines d'habitants au coeur du Nebraska. En allant manger dans un bar le dimanche midi, je passe devant un tableau d'annonce et voit un flyer avec un joueur de football américain. C'était écrit « tryouts », et cela concernait une équipe de ligue mineure. J'ai rigolé, et pensé que ce n'était que dans les films. Puis j'ai ensuite commencé à plaisanter avec mon ami Evan, en imaginant pouvoir faire ça cet été. Et finalement, l'idée a germé, et j'ai appelé pour avoir des renseignements. J'ai décidé de passer les essais et me voilà, encore une fois lancé dans une nouvelle épopée footballistique!

J'ai du trouver un stage aux USA pour pouvoir obtenir un visa et rester et trouver des joueurs avec qui faire du covoiturage pour aller aux entraînements et aux matchs (5 heures de route, 2 à 3 fois par semaine) ce qui m'a donné l'occasion de nouvelles aventures et de nouveaux souvenirs.
Je joue maintenant kicker, punter et receveur chez les Nebraska Lawdawgs. Tout se passe bien pour moi. Le système est similaire à celui d'une équipe de haut-niveau française. Tout est bien organisé, et les joueurs ne se soucient que de faire acte de présence. Coach Jordan Taylor et Kim Taylor, propriétaires de la franchise, font un travail colossal mais fabuleux, et cela tant en terme de recrutement que de logistique. Je partage le terrain avec un ancien joueur de NFL, quelques anciens joueurs de NCAA division 1, des joueurs de division 2, des boursiers pour le football, et des gens qui n'ont jamais joué ou ont arrêté après le lycée. Il y a de tout, cela me rappelle la France. Nous bénéficions d'une bonne couverture médiatique locale avec les radios, la télévision et les journaux. Nous avons les tribunes pleines quand nous jouons à domicile, c'est vraiment quelque chose de particulier à vivre, et je pense à recommencer la saison prochaine. Je me laisse encore le temps d'y penser, la saison ici n'est pas finie. Nous venons de gagner la division, nous sommes à un record de 10-2 et nous apprêtons à jouer le « bowl » mi-septembre, dans le Colorado. Peut-être vais-je revenir avec un anneau, comme dans les films! Je ne vais rentrer en France qu'en octobre, car je viens de recevoir une invitation pour jouer le match All-Star de ma ligue en Arkansas le 1er octobre, dans le stade des Razorbacks.

- Tu rentres en France pour raisons personnelles?

- Non, pour raisons scolaires! Je viens de terminer ma Licence, et je souhaite commencer un Master en France. Pour commencer un Master aux USA, il faut un Bac +4, donc une année supplémentaire pour moi. Je souhaiterais revenir vivre aux Etats Unis et faire mon Master dans une nouvelle université, avoir l'occasion de revivre le rêve américain un peu plus longtemps, faire les choses que je n'ai pas encore eu l'occasion de faire, et, si possible, continuer à jouer au football pour mon propre plaisir car j'aime ça!

- Tes objectifs avec les Conquérants pour la saison prochaine? Tant football que personnels?

- Objectifs? Jouer du mieux que je peux. Je ne reste qu'un semestre car je pars pour Sydney en janvier pour les études, mais j'espère mettre en application toutes les choses que j'ai apprises ici et, si possible, aider le collectif du mieux que je peux.

Les Conquérants sont une très bonne équipe, tant du point de vue du potentiel que du point de vue de l'organisation. Notre président, Sébastien Lerosey, fait un travail du tonnerre et je prie pour qu'il continue à la tête de notre vaisseau. J'espère que l'équipe pourra accrocher un second tour de playoffs, développer encore un peu plus le potentiel qu'elle a, et continuer de travailler sur les jeux de passes. Nous étions une équipe de course il y a quelques années, mais maintenant, nous travaillons sur toutes les dimensions du jeu.

Merci à Christophe pour cette longue interview

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