Forest: Les autres Reds du foot anglais

C’est un simple club de deuxième division anglaise, la plupart des amateurs de soccer de moins de 40 ne connaissent même pas son nom, à moins qu’ils soient tombés un jour sur un palmares de la ligue des Champions et qu’ils se soient demandés : « Nottingham quoi ? ». Mais pour moi c’est un des mythes de mon enfance. A l’époque, celle d’avant le drame du Heysel, quand le football anglais était roi en Europe (sept titres en 8 ans entre 77 et 84), mon cœur balançait entre les Reds de Liverpool et ceux de Forest. Avec cette impression que finalement c’était un peu les mêmes équipes : Du soccer au parfum de bière rousse fait de kick and run débridés, peuplé de joueurs aux coupes improbables dans des maillots dégoulinants de pluie et de sueur, combattifs comme des rugbymen irlandais et vifs comme des lutins gallois, à moins que ce soit l’inverse… Retour sur le destin de Nottingham Forest, les Robins des Bois du foot.

Le Nottingham Forest Football Club est un antique club fondé en 1865 doté d’un palmares pour le moins unique : C’est en effet le seul club en Europe à avoir plus de titres européens (2) que de titres nationaux (1 seul). Actuellement en deuxième division anglaise et à nouveau ambitieux depuis son rachat l’an dernier par des Koweitiens, il va peut-être sortir d’une très longue traversée du désert qui fit suite à une période à la fois dorée et miraculeuse à la fin des années 70. Son nom fait référence à la forêt de Sherwood, celle où vivait le légendaire Robin de Bois, traqué par le non moins légendaire Sheriff de Nottingham. Il est l’un des plus vieux clubs de soccer au Monde, trois ans plus jeune seulement que le doyen Notts County, son voisin et rival, qui joue à moins de 500 mètres de son stade le City Ground. En 1890 Forest est l’un des participants du premier match de l’histoire joué avec des cages munies de filets.

Même si le club est déjà centenaire à l’époque, la grande aventure de Forest commence en 1976-1977 quand il monte en Premier League (à l’arrachée, troisième du « Championship »). Le club a été pris en main l’année précédente par le manager Brian Clough qui restera à la manœuvre durant toute la grande période de Forest aidé par son assistant de toujours Taylor (le vrai tacticien ?). Défense physique, milieu besogneux, attaque rapide et puissante, Forest c’est le jeu anglais poussé à son maximum.

A la surprise générale et dans l’euphorie complète qui peut accompagner ce genre d’exploit, les promus de Forest réussissent l’incroyable performance de gagner le championnat 77-78. Le seul titre de champion d’Angleterre du club. A l’époque seuls les champions nationaux (et les vainqueurs de l’édition précédente) pouvaient participer à ce qui s’appelait encore la Coupe d’Europe des Clubs Champions.

Forest débarque donc à l’automne 1978 en Coupe d’Europe. Dans cette préhistoire du soccer européen pas de têtes de séries et autre poules ajustées pile poil pour favoriser les meilleurs, la Coupe d’Europe c’est du brut de décoffrage. C’est ainsi qu’au tirage du premier tour les Reds affrontent … les Reds ! Ceux de Liverpool, battus en championnat par Nottingham la saison précédente mais vainqueurs de la Coupe d’Europe. Ils se sortent du traquenard et enchainent ensuite les victoires : l’AEK Athènes, Zurich, Cologne et se retrouvent en finale face à Malmoe dans ce qui reste sans doute comme la finale de C1 la plus improbable de l’histoire. Vainqueur 1-0 Forest passe en deux ans quasi jour pour jour de troisième de D2 anglaise à Roi du soccer européen ! Ils se paient même le luxe de battre le Barça pour gagner la Supercoupe.

Ce titre leur donne le droit de participer à nouveau à la grande Coupe d’Europe la saison suivante -79-80- (même si ils ne sont pas champions d’Angleterre, seconds derrière, évidemment, Liverpool). Et le miracle continue, Berlin (version RDA) en quarts, l’Ajax post Cruyff en demie et le grand Hambourg en finale (1-0 à nouveau contre des Allemands archi favoris où l’on retrouvait Hrubech, Magath et le « traitre » Kevin Keegan ex star de Liverpool). Deux participations, deux titres. La troisième participation sera moins heureuse avec une élimination au premier tour par le modeste CSKA Sofia. Le vainqueur de cette coupe 79-80 étant, vous l’aurez deviné, Liverpool !

Parmi les héros de cette épopée le noms les plus marquants sont ceux du gardien Peter Shilton, recordman de sélections en Equipe d’Angleterre, héroïque contre Hambourg, le buteur Trevor Francis- acheté à prix d’or à Birmingham en 79-, Viv Anderson premier black sélectionné en Equipe d’Angleterre et le trio rugueux d’internationaux écossais : Robertson/Gemmill/Burns .

Toute bonne chose ayant une fin, le club ne retrouvera plus ce niveau malgré quelques bonnes saisons (3ème de Premier League et demie finale UEFA en 84, deux autres troisièmes places en championnat, une finale de Cup en 91) et finira par descendre en 92. Entre temps, le drame d’Hillsborough en 1989 où 96 supporters de Liverpool (encore !) meurent piétinés lors d’une demie finale de Cup à Sheffield entre Forest et les autres Reds marquera d’une pierre noire l’histoire du club même si Forest et ses supporters n’y ont aucune responsabilité.
Le NFFC fera l’ascenseur quelques saisons avant de descendre pour de bon en 99 et finira même par passer 3 saisons en D3 (2006 à 2008). A ce titre c’est d’ailleurs le seul club Champion d’Europe à avoir joué en 3ème division nationale. Le club formule Koweit retrouvera peut-être le lustre passé. Il aura en tout cas l’an prochain un tout nouveau stade de 50 000 places pour remplacer l’antique City Ground (construit en 1898!).

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