Dans la famille Manning, je demande le Père!

Le week end dernier, avant le Super Bowl et en pleine “Peyton Mania” je m’étais fait un peu alpaguer pour avoir dit que Peyton Manning n’était même pas le plus grand QB de sa famille, titre que je donnais à son père Archie.

Si depuis, déroute oblige, on entend un peu moins ceux qui voulaient faire il y a quelques jours du second fils d’Archie “le plus grand QB de tous les temps”, je voulais tout de même revenir sur cette affirmation. Quel QB était Archie Manning ? Retour sur une carrière qui n’a peut-être pas atteint les sommets de celle de Peyton mais qui n’a pas à rougir de la comparaison…

Elisha Archie Manning III est né il y a 64 ans à Drew dans le Mississippi dans la région du Nord-Ouest de cet état surnommée le Delta. Là même où est né le Blues. Petite ville de fermiers où le coton d’autrefois a été remplacé par le riz et le soja, Drew pourrait être prise comme exemple de la petite bourgade typique du Sud Profond. Archie, fils d’un petit négociant en matériel agricole, grandit dans une société rurale et scindée en deux blocs qui s’ignorent, noirs et blancs chacun dans leurs quartiers, leurs écoles, leurs églises.

Comme pour tous les gamins de son âge à cette époque dans le coin, le sport est une fenêtre vers le monde extérieur. Sa vie est rythmée par les saisons : Sur les terrains du lycée ou à la radio, l’été le baseball , l’automne le football, l’hiver le basket. Archie écoute religieusement les matchs d’OleMiss chaque samedi de septembre à décembre. Doué, rapide, physique il est starter de l’équipe du lycée de baseball dès la 5ème ! Il sera d’ailleurs drafté par les Braves et la White Sox, un des jeunes les plus suivis du pays par les scouts au poste d’arrêt court. Il tourne à 25 points de moyenne avec l’équipe de basket, sprinte pour celle d’athlé. Rouquin avec des taches de rousseur, aussi doué en classe que sur les terrains de sports, il est la « star » de son lycée, meilleur pote, meilleur élève, meilleur athlète, meilleur gendre potentiel !

Côté football, les blessures ne l’épargnent pas et freinent son ascension. Une cheville cassée en jayvee, un bras cassé son année freshman, l’autre bras fracturé en junior. Sa petite ville n’a pas un gros programme et quand il arrive à mener son équipe de dernière année à une modeste fiche de 5-5 contre des lycées des grosses villes de la région il attire les recruteurs jusqu’à son bled perdu. Il termine son année de terminale avec 15 bourses universitaires devant lui : 6 en baseball, 3 en basket, 3 en athlétisme et 3 en football!

Le Sud étant le Sud, il choisit évidemment le football et entre Mississippi, Mississippi State et Tulane n’hésite pas une minute. Il ira dans l’école qui le fait rêver depuis tout petit : Ole Miss. Au camp, il se retrouve en concurrence avec 7 autres QBs mais dès la fin des premiers entraînements le coach Johnny Vaught a fait son choix et annonce : Il titularisera un QB freshman pour la première fois depuis 17 ans (finalement il ne le fera pas tout en le regrettant plus tard et Manning sera starter trois saisons à Ole Miss) .

Sur les terrains NCAA Archie Manning se fait vite remarquer avec son style imprévisible. Il court, lance dans le mouvement, rentre sans sourciller dans les linebackers adverses, improvise et même coincé sa vitesse lui permet souvent de s’en tirer. Il devient vite une star adulée non seulement dans le Mississippi mais aussi dans le reste du pays. A mi-parcours de sa carrière universitaire, Archie est frappé par un drame personnel : Le suicide de son père en août 1969. Un geste qui restera inexpliqué et qui marquera Archie pour le reste de sa vie.

C’est l’automne suivant, son année junior, que l’Archie Mania prendra des aspects parfois délirants. En cette année 69 il est la vedette du premier match NCAA retransmit en « prime time » à la télé américaine. Lors de cette défaite 33-32 contre Alabama il lance pour 436 yards et 3 Tds, court pour 104 yards. Contre Georgia, classée 6ème, il est mis KO par un sack en première mi-temps. Quand il réapparait sur le terrain après la pause, la foule se lève et l’applaudit. Le Gouverneur de l’état, qui est en train de se rassoir, croit que l’ovation est pour lui, salue du bras avant de se rendre compte qu’il est en train de se ridiculiser. Bear Bryant le légendaire coach de Bama déclare cette année-là : « Manning domine la compétition NCAA plus que Joe Namath ne le faisait », Namath son propre QB qui commençait alors sa carrière NFL. Après la victoire surprise des Rebels sur LSU le coach des Tigers Charley McClendon va encore plus loin en disant "Il est peut-être le meilleur qui ait jamais existé". Un hôtel de Jackson met un énorme panneau sur sa façade « ARCHIE SLEPT HERE ». Quand les Rebels affrontent Tennessee alors invaincu les fans des Vols portent des badges “ARCHIE WHO? » . Ole Miss atomise Tenn 38-0. Quelques jours plus tard, un postier, musicien amateur, enregistre une chanson: « The Ballad of Archie Who ». Le disque se vend comme des petits pains dans tout le Sud. L’effectif des Rebels n’est pas forcément de grande qualité mais Manning porte l’équipe qui finit la saison 7-3 et gagne le Sugar Bowl contre Arkansas.

Avant le début de la saison 1970 Manning est le grand favori pour gagner le Heisman Trophy mais sa dernière campagne NCAA ne se passe pas aussi bien que prévu : Il se blesse lors du second match contre Kentucky et joue diminué tout le reste de l'année. Coach Vaught a une crise cardiaque à la mi-saison et se retrouve à l’hôpital pour plusieurs semaines et Manning doit louper les derniers matchs de la saison après s’être cassé le bras contre Houston. Malgré tout ça il termine 3ème aux votes du Heisman et Ole Miss termine à nouveau avec une fiche de 7-3.

Juste après ces derniers matchs avec les Rebels il se marie en janvier 71. La cérémonie est suivie comme un mariage royal dans tout le vieux Sud. Organisé pourtant loin du Mississippi à Philadelphie pour limiter la foule (mais dans la prestigieuse Armurerie du la Garde Nationale quand même !), le mariage tourne presque à l’émeute, on ne peut fermer les portes de l’église et la sécurité débordée n’arrive pas à empêcher la foule d’entrer dans la salle de réception. Les fans s’arrachent la vaisselle, les nappes, les fleurs en souvenir, ils pillent tout jusqu’aux caisses de vin et de champagne du repas.

A Ole Miss son numéro 18 est immédiatement retiré. Aujourd’hui encore la vitesse est limitée sur le campus à 18 miles/h (29km/h) en son honneur.

Il est drafté par les Saints de la Nouvelle Orléans, deuxième choix après Jim Plunkett le QB et Heisman Trophy de Stanford. Comme cela a été le cas durant toute sa carrière, du lycée à la retraite, il se retrouve à devoir diriger une équipe médiocre qu’il va devoir porter sur ses épaules. Il ne quitte pas son Vieux Sud et les attentes des fans sont énormes. Les Saints sont alors une jeune franchise qui accumule les saisons calamiteuses. Il doit être le « Sauveur ». Starter dès la première saison il gagne 4 matchs, deux de plus que la Nouvelle Orléans l’année précédente et on pressent déjà ce que va être son quotidien pour les prochaines saisons : Derrière une ligne calamiteuse il est sacké 40 fois et joue blessé la plus grosse partie de la saison. L’année suivante il encaissera 43 sacks mais le rendement de l’équipe tourne autour de lui. Les Saints marquent 23 Tds de toute la saison, 18 sont lancés par Manning, 2 sont marqués sur une de ses courses désespérées.

Pendant 12 ans aux Saints Manning verra passer coachs, joueurs, dirigeants à la pelle, sans que la situation ne s’améliore guère. Il sera sacké plus de 330 fois et aurait dû l’être bien plus. Son attitude irréprochable, sa modestie, sa patience à toute épreuve en font un des joueurs les plus populaires de la ligue parmi les joueurs et certains défenseurs comme Jack Youngblood des Rams avoueront que bien souvent alors qu’ils avaient devant eux encore un boulevard pour le sacker une fois de plus, ils levaient le pied. La plupart de ses coéquipiers lui conseillent de demander un trade, de quitter la Nouvelle Orléans, non seulement pour essayer d’enfin gagner des titres, d’aller en playoffs mais simplement aussi pour sa propre santé. « Tu es trop bien pour eux. Ca va finir par te tuer » lui confie un de ses lineman le jour où celui -ci est tradé vers une autre équipe NFL.

Régulièrement diminué par des blessures (il ne jouera pas toute la saison 1976 pour remettre son bras en état), jamais soutenu par un effectif digne de ce nom, Manning arrive tout de même à faire des miracles. En 78 il est MVP de la NFC alors que les Saints terminent avec une fiche de 7-9, du jamais vu. En 79 il arrive même à les amener à 8-8, la meilleure fiche de sa carrière NFL. Mais tout s’effondre en 80 (1-15 !). Cette saison-là, les Saints essaient 9 running backs, terminent derniers au jeu au sol, leur « meilleur » coureur est 48ème de la ligue ! Plus seul que jamais Archie lance 23 Tds et réalise statistiquement sa meilleure saison sous le maillot des Saints. Pourtant dans les tribunes, les fans ont des sacs en papier sur la tête pour ne pas être reconnus.

Les Saints finiront par le laisser partir aux Oilers en 82 avant qu’il ne termine sa carrière NFL aux Vikings en 84. Il la finit avec 23 911 yards lancés, 125 Tds à la passe, 18 à la course et une fiche comme titulaire au poste de QB de 35-101-3, la pire pour un joueur avec plus de 100 starts ! Il n’aura jamais eu l’occasion de jouer le moindre match de playoffs. Une rareté pour un joueur avec une carrière aussi longue.

Son numéro 8, comme son 18 à Ole Miss a été retiré dès qu’il a quitté le club de la Nouvelle Orléans. Il n’a par contre jamais quitté la ville, y élevant ses trois fils, Cooper (dont la carrière de footballeur sera brisée par une maladie chronique), Peyton et Eli. La maison de la famille, plutôt modeste, dans le chic et vieux quartier du Garden District fait quasi partie des nombreuses attractions touristiques de la ville.

Son style de jeu, qu’on pourrait considérer comme en avance sur son temps, mélant mécanique parfaite, vision globale du jeu, improvisations et physique hors norme inspirera de nombreux coachs et spécialistes du jeu de passe parmi lesquels Jack Elway, le père de John et un des créateurs de la West Coast Offense. Patron de Payton, John, manager des Broncos, disait d’ailleurs la semaine dernière : "Beaucoup de gens ignorent que quand j’étais jeune mon père parlait tout le temps d’Archie Manning, de quel joueur il était et de ce qu’il avait fait à Ole Miss et qu’il aurait dû gagner le Heisman en 1970… Pendant des années Archie a été le héros de mon père et aussi le mien… Donc c’est assez amusant de voir comment maintenant je me retrouve ici avec Peyton”.

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